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Y a-t-il une écriture poétique ? Barthes.

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Message  Sonia Mer 29 Sep - 20:27


Bonsoir les LS1,

Si je ne me trompe pas, Mme Guizard vous a demandé de lire ce passage dans Le degré zéro de l'écriture.
Si vous ne l'avez pas acheté, sachez qu'il est consultable en ligne ici :

http://ae-lib.org.ua/texts/barthes__le_degre_zero_de_lecriture__fr.htm

Bon courage pour vos révisions !
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Y a-t-il une écriture poétique ? Barthes. Empty Re: Y a-t-il une écriture poétique ? Barthes.

Message  Charlotte Sam 2 Oct - 23:03

Merci Sonia ! Et d'ailleurs j'en profite pour remercier tous les gens qui ont mis leurs fiches en ligne, c'est vraiment un super travail et j'ai honte de n'avoir pas du tout fini mes fiches... Ma façon de gérer mon temps est encore très brouillon, mais ça commence à se profiler. Pendant les vacances, si je n'ai pas le temps avant, je rattraperai mon retard en matière de fiches. J'en ferai le plus possible et je les publierai toutes.
Ca me fait penser... Vous croyez qu'on devrait mettre les cours d'histoire en ligne ? Non parce que comme certains les tapent ça pourrait être pratique... Qu'est-ce que vous en pensez ? En tout cas si ça vous intéresse (on sait jamais ^^) ben moi je les ai je peux les mettre.
Voilà, bonne soirée !
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Y a-t-il une écriture poétique ? Barthes. Empty Y A-T-IL UNE ECRITURE POETIQUE ? En entier

Message  Charlotte Mer 6 Oct - 23:40

Bonsoir, bon ben puisqu'on y est, je vous mets ce qui nous concerne et qu'il serait bien de lire d'après ce que j'ai compris, de Barthes, à savoir Y a-t-il une écriture poétique ?
Je vous souhaite une agréable lecture ^^

Y a-t-il une écriture poétique?

Aux temps classiques, la prose et la poésie sont des grandeurs, leur différence est mesurable; elles ne sont ni plus ni moins éloignées que deux nombres différents, comme eux contiguës, mais autres par la différence même de leur quantité. Si j'appelle prose un discours minimum, véhicule le plus économique de la pensée, et si j'appelle a, b, c, des attributs particuliers du langage, inutiles mais décoratifs, tels que le mètre, la rime ou le rituel des images, toute la surface des mots se logera dans la double équation de M. Jourdain :
Poésie = Prose + a + b + c
Prose = Poésie - a - b - c
D'où il ressort évidemment que la Poésie est toujours différente de la Prose. Mais cette différence n'est pas d'essence, elle est de quantité. Elle n'attente donc pas à l'unité du langage, qui est un dogme classique. On dose différemment les façons de parler selon les occasions sociales, ici, prose ou éloquence, là, poésie ou préciosité, tout un rituel mondain des expressions, mais partout un seul langage, qui réfléchit les catégories éternelles de l'esprit La poésie classique n'était sentie que comme une variation ornementale de la Prose, le fruit d'un art (c'est-à-dire d'une technique), jamais comme un langage différent ou comme le produit d'une sensibilité particulière. Toute poésie n'est alors que l'équation décorative, allusive ou chargée, d'une prose virtuelle qui gît en essence et en puissance dans n'importe quelle façon de s'exprimer. « Poétique », aux temps classiques, ne désigne aucune étendue, aucune épaisseur particulière du sentiment, aucune cohérence, aucun univers séparé, mais seulement l'inflexion d'une technique verbale, celle de « s'exprimer » selon des règles plus belles, donc plus sociales que celles de la conversation, c'est-à-dire de projeter hors d'une pensée intérieure issue tout armée de l'Esprit, une parole socialisée par l'évidence même de sa convention.
De cette structure, on sait qu'il ne reste rien dans la poésie moderne, celle qui part, non de Baudelaire, mais de Rimbaud, sauf à reprendre sur un mode traditionnel aménagé les impératifs formels de la poésie classique : les poètes instituent désormais leur parole comme une Nature fermée, qui embrasserait à la fois la fonction et la structure du langage. La Poésie n'est plus alors une Prose décorée d'ornements ou amputée de libertés. Elle est une qualité irréductible et sans hérédité. Elle n'est plus attribut, elle est substance et, par conséquent, elle peut très bien renoncer aux signes, car elle porte sa nature en elle, et n'a que faire de signaler à l'extérieur son identité : les langages poétiques et prosaïques sont suffisamment séparés pour pouvoir se passer des signes mêmes de leur altérité.
En outre, les rapports prétendus de la pensée et du langage sont inversés; dans l'art classique, une pensée toute formée accouche d'une parole qui l'« exprime », la « traduit ». La pensée classique est sans durée, la poésie classique n'a que celle qui est nécessaire à son agencement technique. Dans la poétique moderne, au contraire, les mots produisent une sorte de continu formel dont émane peu à peu une densité intellectuelle ou sentimentale impossible sans eux; la parole est alors le temps épais d'une gestation plus spirituelle, pendant laquelle la « pensée » est préparée, installée peu à peu par le hasard des mots. Cette chance verbale, d'où va tomber le fruit mûr d'une signification, suppose donc un temps poétique qui n'est [34] plus celui d'une « fabrication », mais celui d'une aventure possible, la rencontre d'un signe et d'une intention. La poésie moderne s'oppose à l'art classique par une différence qui saisit toute la structure du langage, sans laisser entre ces deux poésies d'autre point commun qu'une même intention sociologique.
L'économie du langage classique (Prose et Poésie) est relationnelle, c'est-à-dire que les mots y sont abstraits le plus possible au profit des rapports. Aucun mot n'y est dense par lui-même, il est à peine le signe d'une chose, il est bien plus la voie d'une liaison. Loin de plonger dans une réalité intérieure consubstantielle à son dessin, il s'étend, aussitôt proféré, vers d'autres mots, de façon à former une chaîne superficielle d'intentions. Un regard sur le langage mathématique permettra peut-être de comprendre la nature relationnelle de la prose et de la poésie classiques : on sait que dans l'écriture mathématique, non seulement chaque quantité est pourvue d'un signe, mais encore les rapports qui lient ces quantités sont eux aussi transcrits, par une marque d'opération, d'égalité ou de différence; on peut dire que tout le mouvement du continu mathématique provient d'une lecture explicite de ses liaisons. Le langage classique est animé par un mouvement analogue, bien qu'évidemment moins rigoureux : ses » mots », neutralisés, absentés par le recours sévère à une tradition qui absorbe leur fraîcheur, fuient l'accident sonore ou sémantique qui concentrerait en un point la saveur du langage et en arrêterait le mouvement intelligent au profit d'une volupté mal distribuée. Le continu classique est une succession d'éléments dont la densité est égale, soumis à une même pression émotionnelle, et retirant d'eux toute tendance à une signification individuelle et comme inventée. Le lexique poétique lui-même est un lexique d'usage, non d'invention : les images y sont particulières en [35] corps, non isolément, par coutume, non par création. La fonction du poète classique n'est donc pas de trouver des mots nouveaux, plus denses ou plus éclatants, il est d'ordonner un protocole ancien, de parfaire la symétrie ou la concision d'un rapport, d'amener ou de réduire une pensée à la limite exacte d'un métré. Les concetti classiques sont des concetti de rapports, non de mots : c'est un art de l'expression, non de l'invention; les mots, ici, ne reproduisent pas comme plus tard, par une sorte de hauteur violente et inattendue, la profondeur et la singularité d'une expérience; ils sont aménagés en surface, selon les exigences d'une économie élégante ou décorative. Oo s'enchante de la formulation qui les assemble, non de leur puissance ou de leur beauté propres.
Sans doute la parole classique n'atteint pas à la perfection fonctionnelle du réseau mathématique : les rapports n'y sont pas manifestés par des signes spéciaux, mais seulement par des accidents de forme ou de disposition. C'est le retrait même des mots, leur alignement, qui accomplit la nature relationnelle du discours classique; usés dans un petit nombre de rapports toujours semblables, les mots classiques sont en route vers une algèbre : la figure rhétorique, le cliché sont les instruments virtuels d'une liaison; ils ont perdu leur densité au profit d'un état plus solidaire du discours; ils opèrent à la façon des valences chimiques, dessinant une aire verbale pleine de connexions symétriques, d'étoiles et de nœuds d'où surgissent, sans jamais le repos d'un étonnement, de nouvelles intentions de signification. Les parcelles du discours classique ont à peine livré leur sens qu'elles deviennent des véhicules ou des annonces, transportant toujours plus loin un sens qui ne veut se déposer au fond d'un mot, mais s'étendre à la mesure d'un geste total d'intellection, c'est-à-dire de communication.
Or la distorsion que Hugo a tenté de faire subir à l'alexandrin, qui est le plus relationnel de tous les mètres, contient déjà tout, l'avenir de la poésie moderne, puisqu'il s'agit d'anéantir une intention de rapports pour lui substituer [36] une explosion de mots. La poésie moderne, en effet, puisqu'il faut l'opposer à la poésie classique et à toute prose, détruit la nature spontanément fonctionnelle du langage et n'en laisse subsister que les assises lexicales. Elle ne garde des rapports que leur mouvement, leur musique, non leur vérité. Le Mot éclate au-dessus d'une ligne de rapports évidés, la grammaire est dépourvue de sa finalité, elle devient prosodie, elle n'est plus qu'une inflexion qui dure pour présenter le Mot. Les rapports ne sont pas à proprement parler supprimés, ils sont simplement des places gardées, ils sont une parodie de rapports et ce néant est nécessaire car il faut que la densité du Mot s'élève hors d'un enchantement vide, comme un bruit et un signe sans fond, comme « une fureur et un mystère ».
Dans le langage classique, ce sont les rapports qui mènent le mot puis l'emportent aussitôt vers un sens toujours projeté; dans la poésie moderne, les rapports ne sont qu'une extension du mot, c'est le Mot qui est « la demeure », il est implanté comme une origine dans la prosodie des fonctions, entendues mais absentes. Ici les rapports fascinent, c'est le Mot qui nourrit et comble comme le dévoilement soudain d'une vérité; dire que cette vérité est d'ordre poétique, c'est seulement dire que le Mot poétique ne peut jamais être faux parce qu'il ist total; il brille d'une liberté infinie et s'apprête à rayonner vers mille rapports incertains et possibles. Les rapports fixes abolis, le mot n'a plus qu'un projet vertical, il est comme un bloc, un pilier qui plonge dans un total de sens, de réflexes et de rémanences : il est un signe debout Le mot poétique est ici un acte sans passé immédiat, un acte sans entours, et qui ne propose que l'ombre épaisse des réflexes de toutes origines qui lui sont attachés. Ainsi sous chaque Mot de la poésie moderne gît une sorte de géologie existentielle, où se rassemble le contenu total du Nom, et non plus son contenu électif comme dans la prose et dans la poésie classiques. Le Mot n'est plus dirigé à l'avance par l'intention générale d'un discours [37] socialisé; le consommateur de poésie, privé du guide des rapports sélectifs, débouche sur le Mot, frontalement, et le reçoit comme une quantité absolue, accompagnée de tous ses possibles. Le Mot est ici encyclopédique, il contient simultanément toutes les acceptions parmi lesquelles un discours relationnel lui aurait imposé de choisir. Il accomplit donc un état qui n'est possible que dans le dictionnaire ou dans la poésie, là où le nom peut vivre privé de son article, amené à une sorte d'état zéro, gros à la fois de toutes les spécifications passées et futures. Le Mot a ici une forme générique, il est une catégorie. Chaque mot poétique est ainsi un objet inattendu, une boîte de Pandore d'où s'envolent toutes les virtualités du langage; il est donc produit et consommé avec une curiosité particulière, une sorte de gourmandise sacrée. Cette Faim du Mot, commune à toute la poésie moderne, fait de la parole poétique une parole terrible et inhumaine. Elle institue un discours plein de trous et plein de lumières, plein d'absences et de signes surnourrissants, sans prévision ni permanence d'intention et par là si opposé à la fonction sociale du langage, que le simple recours à une parole discontinue ouvre la voie de toutes les Surnatures.
Que signifie en effet l'économie rationnelle du langage classique sinon que la Nature est pleine, possédable, sans fuite et sans ombre, tout entière soumise aux rets de la parole? Le langage classique se réduit toujours à un continu persuasif, il postule le dialogue, il institue un univers où les hommes ne sont pas seuls, où les mots n'ont jamais le poids terrible des choses, où la parole est toujours la rencontre d'autrui. Le langage classique est porteur d'euphorie parce que c'est un langage immédiatement social. Il n'y a aucun genre, aucun écrit classique qui ne se suppose une consommation collective et comme parlée; l'art littéraire classique est un objet qui circule [38] entre personnes assemblées par la classe, c'est un produit conçu pour la transmission orale, pour une consommation réglée selon les contingences mondaines : c'est essentiellement un langage parlé, en dépit de sa codification sévère.
On a vu qu'au contraire la poésie moderne détruisait les rapports du langage et ramenait le discours à des stations de mots. Cela implique un renversement dans la connaissance de la Nature. Le discontinu du nouveau langage poétique institue une Nature interrompue qui ne se révèle que par blocs. Au moment même où le retrait des fonctions fait la nuit sur les liaisons du monde, l'objet prend dans le discours une place exhaussée : la poésie moderne est une poésie objective. La Nature y devient un discontinu d'objets solitaires et terribles, parce qu'ils n'ont que des liaisons virtuelles; personne ne choisit pour eux un sens privilégié ou un emploi ou un service, personne ne leur impose une hiérarchie, personne ne les réduit à la signification d'un comportement mental ou d'une intention, c'est-à-dire finalement d'une tendresse. L'éclatement du mot poétique institue alors un objet absolu; la Nature devient une succession de verticalités, l'objet se dresse tout d'un coup, empli de tous ses possibles : il ne peut que jalonner un monde non comblé et par là même terrible. Ces mots-objets sans liaison, parés de toute la violence de leur éclatement, dont la vibration purement mécanique touche étrangement le mot suivant mais s'éteint aussitôt, ces mots poétiques excluent les hommes : il n'y a pas d'humanisme poétique de la modernité : ce discours debout est un discours plein de terreur, c'est-à-dire qu'il met l'homme en liaison non pas avec les autres hommes, mais avec les images les plus inhumaines de la Nature; le ciel, l'enfer, le sacré, l'enfance, la folie, la matière pure, etc.
A ce moment-là, on peut difficilement parler d'une écriture poétique, car il s'agit d'un langage dont la violence d'autonomie détruit toute portée éthique. Le geste oral vise ici à modifier la Nature, il est une démiurgie; il [39] n'est pas une attitude de conscience mais un acte de coercition. Tel est du moins le langage des poètes modernes qui vont jusqu'au bout de leur dessein et assument la Poésie, non comme un exercice spirituel, un état d'âme ou une mise en position, mais comme la splendeur et la fraîcheur d'un langage rêvé. Pour ces poètes-là, il est aussi vain de parler d'écriture que de sentiment poétique. La poésie moderne, dans son absolu, chez un Char, par exemple, est au-delà de ce ton diffus, de cette aura précieuse, qui sont bien, eux, une écriture, et qu'on appelle ordinairement sentiment poétique. Il n'y a pas d'objection à parler d'une écriture poétique à propos des classiques et de leurs épigones, ou encore de la prose poétique dans le goût des Nourritures terrestres, où la Poésie est véritablement une certaine éthique du langage. L'écriture, ici comme là. absorbe le style, et on peut imaginer que, pour les hommes du xvne siècle, il n'était pas facile d'établir une différence immédiate, et surtout d'ordre poétique, entre Racine et Pradon, tout comme il n'est pas facile pour un lecteur moderne de juger ces poètes contemporains qui usent de la même écriture poétique, uniforme et indécise, parce que pour eux la Poésie est un climat, c'est-à-dire essentiellement une convention du langage. Mais lorsque le langage poétique met radicalement la Nature en question, par le seul effet de sa structure, sans recourir au contenu du discours et sans s'arrêter au relais d'une idéologie, il n'y a plus d'écriture, il n'y a que des styles, à travers lesquels l'homme se retourne complètement et affronte le monde objectif sans passer par aucune des figures de l'Histoire ou de la sociabilité. [40]
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Y a-t-il une écriture poétique ? Barthes. Empty A retenir de ce texte

Message  Charlotte Ven 19 Nov - 20:21

Poésie et prose classiques :

C'est la même chose, sauf que la poésie a plus de recherche esthétique, on lui rajoute des vers et des rimes. Mais cette poésie se sert de mots qui sont tout autant des signifiants que ceux utilisés par la prose, il n'y a pas de différence d'essence. On se sert des mots pour les associer en jolies tournures, ce qui prime c'est donc l'association des mots. Mais les mots en eux-mêmes sont des clichés, et ce dans le but notamment de toucher un public. Cette poésie est donc sociale, tout le monde peut à peu près la comprendre et d'ailleurs clairement la définir comme poésie, puisque c'est un univers de codes et de signes.

"Aucun mot n'y est dense par lui-même, il est à peine le signe d'une chose, il est bien plus la voie d'une liaison. Loin de plonger dans une réalité intérieure consubstantielle à son dessin, il s'étend, aussitôt proféré, vers d'autres mots, de façon à former une chaîne superficielle d'intentions"

"Le langage classique est animé par un mouvement analogue, bien qu'évidemment moins rigoureux : ses » mots », neutralisés, absentés par le recours sévère à une tradition qui absorbe leur fraîcheur, fuient l'accident sonore ou sémantique qui concentrerait en un point la saveur du langage et en arrêterait le mouvement intelligent au profit d'une volupté mal distribuée."

"La fonction du poète classique n'est donc pas de trouver des mots nouveaux, plus denses ou plus éclatants, il est d'ordonner un protocole ancien, de parfaire la symétrie ou la concision d'un rapport, d'amener ou de réduire une pensée à la limite exacte d'un métré. Les concetti classiques sont des concetti de rapports, non de mots : c'est un art de l'expression, non de l'invention"

"la figure rhétorique, le cliché sont les instruments virtuels d'une liaison; ils ont perdu leur densité au profit d'un état plus solidaire du discours; ils opèrent à la façon des valences chimiques, dessinant une aire verbale pleine de connexions symétriques, d'étoiles et de nœuds d'où surgissent, sans jamais le repos d'un étonnement, de nouvelles intentions de signification. Les parcelles du discours classique ont à peine livré leur sens qu'elles deviennent des véhicules ou des annonces, transportant toujours plus loin un sens qui ne veut se déposer au fond d'un mot, mais s'étendre à la mesure d'un geste total d'intellection, c'est-à-dire de communication."

Voilà les citations qui m'ont semblé importantes.

La différence à présent avec la poésie moderne, qui débute selon Barthes non pas avec Baudelaire mais avec Rimbaud. Ici la poésie n'a plus d'identité propre (on ne la distingue plus par sa forme puisqu'elle peut être en prose) et ne cherche pas à être compréhensible, ce n'est pas un discours comme la poésie classique. Dans la poésie moderne, chaque mot est utilisé pour lui-même, pas comme un objet, un moyen, mais comme une fin. L'important n'est pas de parvenir à une série de connections finement agencées, mais plutôt à un éclatement des mots, dont chacun serait un monde, avec toutes ses significations, connues ou non, aussi bien dans sa forme que dans son essence.

"La Poésie n'est plus alors une Prose décorée d'ornements ou amputée de libertés. Elle est une qualité irréductible et sans hérédité. Elle n'est plus attribut, elle est substance et, par conséquent, elle peut très bien renoncer aux signes, car elle porte sa nature en elle, et n'a que faire de signaler à l'extérieur son identité"

"la « pensée » est préparée, installée peu à peu par le hasard des mots. Cette chance verbale, d'où va tomber le fruit mûr d'une signification, suppose donc un temps poétique qui n'est plus celui d'une « fabrication », mais celui d'une aventure possible, la rencontre d'un signe et d'une intention"

"plonger dans une réalité intérieure consubstantielle à son dessin"

"il s'agit d'anéantir une intention de rapports pour lui substituer une explosion de mots. La poésie moderne, en effet, puisqu'il faut l'opposer à la poésie classique et à toute prose, détruit la nature spontanément fonctionnelle du langage et n'en laisse subsister que les assises lexicales. Elle ne garde des rapports que leur mouvement, leur musique, non leur vérité."

"Dans le langage classique, ce sont les rapports qui mènent le mot puis l'emportent aussitôt vers un sens toujours projeté; dans la poésie moderne, les rapports ne sont qu'une extension du mot, c'est le Mot qui est « la demeure », il est implanté comme une origine dans la prosodie des fonctions, entendues mais absentes."

"le Mot poétique ne peut jamais être faux parce qu'il ist total; il brille d'une liberté infinie et s'apprête à rayonner vers mille rapports incertains et possibles"

" Ainsi sous chaque Mot de la poésie moderne gît une sorte de géologie existentielle, où se rassemble le contenu total du Nom, et non plus son contenu électif comme dans la prose et dans la poésie classiques. Le Mot n'est plus dirigé à l'avance par l'intention générale d'un discours socialisé; le consommateur de poésie, privé du guide des rapports sélectifs, débouche sur le Mot, frontalement, et le reçoit comme une quantité absolue, accompagnée de tous ses possibles. Le Mot est ici encyclopédique, il contient simultanément toutes les acceptions parmi lesquelles un discours relationnel lui aurait imposé de choisir. Il accomplit donc un état qui n'est possible que dans le dictionnaire ou dans la poésie, là où le nom peut vivre privé de son article, amené à une sorte d'état zéro, gros à la fois de toutes les spécifications passées et futures."

"Chaque mot poétique est ainsi un objet inattendu, une boîte de Pandore d'où s'envolent toutes les virtualités du langage; il est donc produit et consommé avec une curiosité particulière, une sorte de gourmandise sacrée. Cette Faim du Mot, commune à toute la poésie moderne, fait de la parole poétique une parole terrible et inhumaine."

"la poésie moderne est une poésie objective. La Nature y devient un discontinu d'objets solitaires et terribles, parce qu'ils n'ont que des liaisons virtuelles; personne ne choisit pour eux un sens privilégié ou un emploi ou un service, personne ne leur impose une hiérarchie, personne ne les réduit à la signification d'un comportement mental ou d'une intention, c'est-à-dire finalement d'une tendresse."

"Tel est du moins le langage des poètes modernes qui vont jusqu'au bout de leur dessein et assument la Poésie, non comme un exercice spirituel, un état d'âme ou une mise en position, mais comme la splendeur et la fraîcheur d'un langage rêvé."

Voilà, c'étaient toutes les citations qui me semblaient importantes dans ce texte. Il est un peu chaud à comprendre vite alors si ça peut faciliter la tâche...







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