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Deffence et illustration de la langue françoyse, Du Bellay

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Message  Charlotte Mer 6 Oct - 23:35

Hey ! Je vous mets mes fiches, que je viens de faire, à propos du manifeste de Du Bellay qui a fondé la Pléiade. Vous avez là des éléments biographiques et un résumé chapitré des deux petits livres du manifeste.
Voilà, bonne soirée et bonne lecture !


Du Bellay
Défense et illustration de la langue française
(Deffence et illustration de la langue françoyse)


I) Eléments biographiques :

- 1522 : Naissance au château de la Turmelière, en Anjou.
- Joachim Du Bellay a pour père Jehan Du Bellay, seigneur de Gonnord, et pour mère Renée Chabot, qui décède sans doute à sa naissance.
- Troisième de la fratrie.
- Illustre famille : * cousin Martin, gouverneur et auteur de Mémoires (évocation des guerres de François I°) ;
* de Guillaume, soldat et diplomate, protecteur de Rabelais ;
* de René, évêque ;
* de Jean, cardinal-évêque d'Ostie, membre du Sacré-collège officiant à Rome.
- Joachim perd son père vers 10 ans.
- Elevé par un oncle, Louis du Bellay, archidiacre de Paris, puis par son frère aîné René. Son éducation est « négligée ».
- 1546 : il étudie le droit à Poitiers >>> rencontre avec des poètes latins et français (Jean de la Péruse, Salmon Macrin, Jacques Peletier du Mans)
- 1547 : Amitié avec Ronsard, de 2 ans son cadet. Avec lui il se place sous la direction du professeur d'humanités et principal du collège de Coqueret Jean Dorat >>> rencontre avec des étudiants qui s'intéressent à Pétrarque, fondation de la Brigade (ancêtre de la Pléiade) avec Ronsard, Rémi Belleau, Etienne Jodelle, Pontus de Tyard et Jean-Antoine Baïf.
- 1549 : Publication de La Deffence et l'illustration de la langue françoyse, qui sert de préface à L'Olive et quelques autres oeuvres poétiques. Puis Vers lyriques, puis Recueil de poésies.
- 1552 : Traduction du livre 4 de l'Enéide.
- 1553 – 1557 : Rejoint son oncle Jean du Bellay à Rome car conflits France/empire germanique et guerres d'Italie, dans lesquels son oncle a un rôle diplomatique. Ce n'est pas un bon souvenir, intrigues etc.
- 1558 : Parution des Regrets et des Antiquités de Rome.
- 1560 : Après dix ans de maladie, il meurt à Paris, le 1° Janvier.

La Défense et illustration de la langue française est une oeuvre charnière dans l'histoire de la littérature : elle plaide en faveur d'un enrichissement du Français, devenu langue officielle de l'Etat royal dix ans plus tôt, en particulier par imitation et appropriation des chefs-d'oeuvre des autres langues. La tâche en incombe aux poètes et aux écrivains.
« La langue est notre maison », dit Du Bellay. « L'humanité de l'homme est inséparable de la langue pour la dire et pour la faire. Elle est poétique autant que politique. Ne cherchons pas plus loin : voilà notre identité (nationale) ».








II) Le manifeste.

« Le meilleur des augures est de combattre pour sa patrie,
Disait la chère éloquence de la muse homérique.
Il n'est de plus grande gloire que de combattre pour la langue
De la patrie, ajouterai-je moi en parodiant le poète »

LIVRE PREMIER

Chapitre 1 : L'origine des langues.

Du Bellay cherche à expliquer d'où viennent les langues.

- Les langues sont au départ une langue, créée par l'homme pour concrétiser ses pensées.
- Pas de langue meilleure que l'autre : toutes ont la même origine. Elles sont différentes car les hommes pensent différemment.

Pour du Bellay, la langue française n'est donc pas plus fragile que le Grec ou le Latin, et il conteste ce que disent les intellectuels, comme quoi la langue française serait vulgaire. Il veut montrer qu'on peut faire de la poésie avec elle (« comme si une création ne devait être jugée bonne ou mauvaise que par sa langue »).

Chapitre 2 : Que la langue française ne doit être nommée barbare.

Barbares : ceux qui ne parlaient pas correctement le Grec. Puis ça a concerné les moeurs cruelles et brutales.
Du Bellay dénonce l'arrogance grecque, et la soif de gloire vengeresse des Romains qui ont rendus vils et abjects les peuples qui leur avaient résisté, notamment la Gaule qui leur avait causé des hontes.
Si les Français n'ont plus la mémoire de leur gloire passée, c'est que nous n'avons pas d'écrits conservés, contrairement aux Romains, qui se sont efforcés de « descendre » les Gaulois.
Il ne faut pas écouter ce que disent les autres : ceux pour qui le Français est naturel ne doivent pas avoir honte de s'en servir.

Chapitre 3 : Pourquoi la langue française n'est pas aussi riche que la grecque et la latine.

Ce n'est pas un défaut congénital du Français de n'être pas aussi riche que les deux autres, càd que ce n'est pas une langue pauvre en soi. C'est la faute des ancêtres, ignorants, qui préféraient le bien faire que le bien dire et n'ont pas cherché à développer la langue pour conter leurs exploits.
« C'est pour cette raison qu'ils nous ont laissé une langue si pauvre et si nue qu'elle a besoin des ornements et des plumes d'autrui ».
Mais les langues grecques et romaines n'ont pas toujours été dans leur état d'excellence. Les poètes se sont attelés à les rendre plus belles, s'ils n'avaient pas eu d'espoir, ces deux langues seraient restées ternes. « Notre langue […] commence encore à fleurir sans encore fructifier »

Il ne faut pas négliger la langue, il faut la cultiver. Les Romains ont cultivé la leur, ont élagué ce qui n'allait pas et ont largement emprunté au Grec qu'ils se sont approprié.

La France a déjà produit des Thémistocle, des Périclès, des Scipion etc. Elle peut aussi produire des Homère etc. Elle s'élèvera.

Chapitre 4 : Que la langue française n'est si pauvre que beaucoup l'estiment.

La langue française n'est pas si pauvre, on peut l'utiliser pour parler de beaucoup de choses, et la poésie n'en est pas exclue.
Eloge de François I°, qui a rendu la langue française « élégante […] auparavant rugueuse et raboteuse »
La preuve que le Français n'est pas si pauvre : tous les écrits grecs et latins, et certains italiens et espagnols, ont été traduits en Français, ça veut dire que cette langue a suffisamment de vocabulaire pour exprimer les mêmes sujets que ceux grecs et latins etc. On lui a même fait l'honneur de traduire avec elle les Saintes Ecritures.

Chapitre 5 : Que les traductions ne sont pas suffisantes pour donner la perfection à la langue française.

Traduire ne suffira pas pour faire du Français une langue aussi belle que les autres. Il faut écrire directement en Français. Il y a cinq parties dans le bien dire :
- l'invention
- l'élocution
- la disposition
- la mémoire
- la prononciation

Du Bellay choisit de ne traiter que l'invention et l'élocution, parce que ces préceptes latins sont difficiles à observer tous du fait de l'atrophie historique dont parlait l'auteur quelques chapitres plus avant. Il traite donc de l'invention et de l'élocution.

Invention : Pour grandir la langue, pour avoir une invention riche, il faut avoir des connaissances, des richesses de savoirs, comme des racines en fait. Pour cela, il faut comprendre parfaitement les langues grecque et latine, qui sont expérimentées, en cela les traducteurs seront très utiles pour aider ceux qui ne sont pas à l'aise dans la compréhension de ces dialectes.

Elocution : « chaque langue possède un je-ne-sais-quoi qui lui est propre ». Pour utiliser une belle langue, on a besoin de métaphores et autres figures de style, « sans lesquels toute prose et tout poème sont nus ». Mais là on ne va pas aller les puiser dans les langues des autres, il faut en créer, qui soient fidèles à l'essence de la langue. La traduction serait ici trop pauvre, elle trahirait la beauté et la poésie de l'original. Il faut donc créer des figures de style françaises.

Chapitre 6 : Des mauvais traducteurs, et de ne pas traduire les poètes.

Traduire, c'est trahir. C'est vaniteux que de vouloir traduire avec la même élégance que le texte d'origine, car c'est impossible : les langues ne se comprendront jamais vraiment entre elles. Du Bellay compare la traduction de ces textes divins et intraduisibles parce que porteurs d'une essence propre avec le « peintre [qui n'est pas] capable de dessiner l'âme de celui dont il entreprend de peindre le corps d'après nature ».
Donc, traduire pour l'utilité, peut-être, mais pas en prétendant faire aussi bien que l'auteur d'origine.

Que ceux qui veulent rendre hommage au Français n'entreprennent pas de traduire, ça ne met en valeur aucune des deux langues en cause.

Chapitre 7 : Comment les Romains ont enrichi leur langue.

Les Romains n'ont pas fait de traductions. Comment ont-ils fait pour développer leur vocabulaire ?
Eh bien ils n'ont pas traduit mais imité. Il ont imité les oeuvres grecques, en tentant d'en faire d'aussi bonnes. Virgile par exemple a imité Homère, mais il ne l'a pas traduit. En cherchant à aller plus haut, ils ont rendu leur langue féconde. Ils ont tiré plus de gloire à imiter qu'à traduire.

Chapitre 8 : De développer la langue française par l'imitation des anciens auteurs grecs et romains.

« Que celui qui voudra enrichir sa langue se propose donc d'imiter les meilleurs auteurs grecs et latins, et qu'il vise, de la pointe de son style, toutes leurs plus grandes vertus ». L'imitation a fait la beauté de toute poésie, Aristote le dit bien.
Mais attention, ce n'est pas chose facile, il y a imitation et imitation. La paraphrase ne sert à rien, elle est sans gloire et sans essence : Virgile a-t-il paraphrasé Homère ? Non, chaque auteur a son style propre et les deux histoires, si elles semblent cousines, n'en sont pas pour autant des soeurs jumelles. On trouve une âme différente, à part entière, dans les deux oeuvres, et toutes deux sont édifiantes.

Chapitre 9 : Réponse à quelques objections.

La langue française n'a certes pas de déclinaisons (qui selon beaucoup faisaient la noblesse du Latin et du Grec) mais ses verbes se conjuguent. Et certes il n'y a pas de pieds et de mètres possibles en poésie française, mais Du Bellay annonce que plus tard il expliquera par quoi la langue française compense ce manque.
Du Bellay n'exclut pas que plus tard éventuellement des auteurs introduisent dans la langue française des déclinaisons, pourquoi pas ? On a maltraité cette langue, mais il est toujours temps de la reprendre en main.

Certains disent du Latin et du Grec qu'ils sont d'une ineffable douceur. En quoi le Français est-il différent ? Du Bellay fait la comparaison avec toutes sortes de dialectes animaliers, jugés brutaux. Nous avons un organe, la langue, offert par la Nature, qui donne au Français comme à n'importe quel parler une douceur agréable à entendre.

Nous avons déjà imité les Romains et les Grecs sur leurs arts mécaniques, leurs autres arts ; nous pouvons faire de même avec la langue.
Et si le Français semble tarder à se perfectionner par-rapport à d'autres langues européennes, du Bellay répond en disant qu'au moins, ce qu'elle acquerra, elle le gardera longtemps, ce sera solide. Il compare cela à la loi de la nature concernant les arbres : tout arbre qui fructifie trop vite meurt vite ; celui qui met le temps à fructifier durera plus longtemps et sera plus solide.

Chapitre 10 : Que la langue française n'est pas incapable de philosophie, et pourquoi les anciens étaient plus savants que les hommes de notre époque.

Du Bellay rappelle que tout ce qu'il vient de dire s'adresse à ceux qui s'intéressent à l'art du bien dire, mais que les traducteurs n'en restent pas moins utiles par ex dans les encyclopédies, qui transmettent des savoirs qu'il est utile de connaître (là, on ne s'intéressera pas à la beauté de la langue mais à l'intérêt de ce que transmet le texte).
Il arrive que le traducteur tombe sur un mot intraduisible en Français, en tout cas pas par un mot unique, simplement par une périphrase. Du Bellay est d'avis d'emprunter carrément à la langue au lieu de traduire par une périphrase, et de s'approprier le nouveau mot pour le rendre français. Le Latin a bien emprunté énormément de mots au Grec, surtout dans le lexique de la science et des mathématiques.
Comment toutes les langues sont égales, toutes peuvent s'employer à philosophie, il est ridicule de prétendre le contraire. Concernant la philosophie, la traduction n'est pas un problème, elle est utile encore une fois et, en enrichissant l'esprit, elle enrichit aussi la langue. La philosophie est un savoir universel et toute langue se doit de la retranscrire.
Du Bellay dénonce le fait que depuis des décennies nous nous soyons consacrés à l'étude de la langue antique et non pas de son savoir, donc que nos connaissances se soient appauvries. Il faut y remédier, traduire tout ça. Les Grecs et les Romains, eux, ne s'en sont pas privés, ils ont voyagé et retranscrit dans leur langue les savoirs égyptiens, indiens etc.

Chapitre 11 : Qu'il est impossible d'égaler les Anciens dans leurs langues.

Du Bellay rappelle que ce qu'il dit du Français n'est pas fait pour détourner l'attention de la langue grecque et de la latine, deux langues qu'il admire, cela n'empêche pas. Personne ne peut produire d'oeuvre excellente en sa langue s'il ignore ces deux dialectes antiques. Il ne s'agit pas de déprécier l'une ou l'autre langue : le Français est encore une langue en construction alors que les deux autres sont finies, parfaites, donc s'en inspirer est normal mais il n'est pas honteux du tout d'utiliser la langue française, bien au contraire, il faut l'anoblir, et puis celui qui est français de souche écrira mieux dans sa langue natale que dans les langues étrangères et lointaines que sont le Latin et le Grec. Aujourd'hui rendre ces langues est impossible car nous ne pensons plus comme eux, nous ne pratiquons plus la langue comme eux, elle n'est plus la nôtre. Il est donc impossible et vaniteux de vouloir égaler les poètes latins et grecs.
« Les Anciens parlaient les langues qu'ils avaient sucées avec le lait de la nourrice » ; « Ne pensez donc pas, imitateurs, troupeau servile, parvenir à leur niveau d'excellence, vu qu'à grand' peine, vous avez appris leur vocabulaire en y consacrant le meilleur de votre âge. »
« Vous méprisez notre langue vulgaire, peut-être pour nulle autre raison que nous l'apprenons dès l'enfance et sans étude » « et si notre langue avait péri […] je ne doute pas qu'elle ne fût aussi difficile à apprendre que celles-ci ».

Pour du Bellay, la curiosité humaine admire toujours ce qui est rare, hors de portée, comme les pierres précieuses, mais nous avons beaucoup de richesses à portée de main que nous ignorons.

Chapitre 12 : Défense de l'auteur.

Cicéron avait dit exactement la même chose pour le Latin à l'époque, au début de son oeuvre : Fin des Biens et des Maux. Ce qui vient prouver ce qui a été dit plus haut.
Il suffit que l'on porte meilleur intérêt au Français pour le développer, et il sera aussi riche que le Latin.

LIVRE DEUXIEME

Chapitre 1 : L'intention de l'auteur.

« le poète et l'orateur sont comme les deux piliers qui soutiennent l'édifice de chaque langue »

Du Bellay expose ici ses intentions : il ne va pas se contenter de dicter aux écrivains leur devoir, il va mettre en pratique son traité, il va apporter la première pierre à l'édifice. Il ouvrira la voie, montrant ainsi que ce qu'il dit est faisable et guidant les jeunes auteurs.
Il sait qu'il recevra des critiques pour son audace, mais d'autres ont déjà écrit avant lui : Marot et Heroët, l'un utilisant la langue française presque dans son oralité, l'autre travaillant consciencieusement la langue.

Chapitre 2 : Des poètes français.

- Du Bellay recommande d'abord deux auteurs, Guillaume de Loris et Jean de Meung, qui ont tous deux écris une des deux parties du Roman de la Rose, parce qu'ils écrivent en Français et en donnent un bon aperçu.
« comme si le temps rendait les poésies meilleures » : Du Bellay critique gentiment les intellectuels qui défendent de critiquer les oeuvres qu'ils ont étudiées lorsqu'ils étaient jeunes, comme si le fait qu'elles soient anciennes les rendent intouchables.
- Puis Du Bellay cite Jean Lemaire de Belges, parce qu'il a le premier illustré la langue française, lui a apporté quelques tournures poétiques qui sont très utiles.
- Du Bellay souhaite aussi recommander Clément Marot et Antoine Heroët, même s'il sait qu'ils sont contemporains de son époque donc forcément critiquables (l'un écrirait trop, l'autre plus comme un philosophe que comme un poète...).
- Puis il parle de Melin de Saint-Gelais, qui a probablement inventé le premier sonnet français, mais qui est critiqué parce qu'il n'a pas publié ouvertement sous son nom, et parce que du coup beaucoup d'autres auteurs médiocres ont imité en prenant son nom.
- Ensuite il mentionne Maurice Scève, auteur de la Délie, à qui l'on reproche d'avoir tant voulu éviter la vulgarité du Français qu'il aurait fini par être totalement incompréhensible.

Du Bellay est agacé par toutes ces critiques, tout comme par la foule d'auteurs médiocres qui prétendent imiter les bons et entretiennent ainsi le Français dans la vulgarité.
Si Du Bellay parle ainsi des auteurs médiocres, c'est pour expliquer la pauvreté du Français : elle n'est pas dans sa nature propre mais dans la mauvaise gestion qu'en font ceux qui en ont la charge. Encore une fois il insiste sur la fait qu'il faille imiter les Grecs et les Romains.

Chapitre 3 : Que le naturel n'est pas suffisant à celui qui veut faire oeuvre d'immortalité en poésie.

Du Bellay ne veut pas voir de poètes qui se feraient connaître en écrivant dans la langue dite « vulgaire », c'est-à-dire la langue telle qu'elle est à l'époque de Du Bellay, sans tenter de la changer, de l'améliorer. C'est pourquoi Du Bellay demande que les auteurs s'inspirent très largement des autres langues : la grecque, la latine, mais aussi l'espagnole et l'italienne, ainsi que toutes les autres, du moment qu'il n'en reste pas au simple Français tel qu'il est déjà. En effet le but de Du Bellay est de développer la langue, ne l'oublions pas.
Il n'est pas question pour Du Bellay d'en rester au simple don naturel : il ne s'agit pas d'écrire au fil de la plume et d'attendre de la Muse qu'elle vous donne tout. Non, pour Du Bellay, il faut travailler, suer, trembler même, car toute oeuvre qui se respecte est une oeuvre travaillée, reprise, fruit de l'effort. « Autant nos poètes courtisans boivent, mangent et dorment à leur aise, autant [le bon poète] devra endurer la fin, la soif et de longues veilles. Ce sont là les ailes qu'empruntent les écrits des hommes pour voler au ciel ».
Le bon poète doit chercher les vertus de celui qu'il imite, et non pas ce qui suscite l'admiration dans l'instant, comme les petits gestes stupides ou vicieux (critique des poètes de Cour).

Chapitre 4 : Quels genres de poèmes doit choisir d'écrire le poète français.

- Il faut lire, lire et relire les exemples grecs et latins.
- Surtout, le poète doit abandonner les rondeaux, les ballades, les virelais, les chansons, qui pour du Bellay ne servent à rien sinon à corrompre la langue française.
- Qu'il écrive des épigrammes, mais des épigrammes sensés, pas vides de sens, sans essence.
- Ou alors qu'il écrive des élégies, comme Ovide, Tibulle ou Properce par ex, avec un style coulant.
- Ou alors qu'il écrive des odes, où à chaque vers doivent apparaître quelques vestiges de rare et d'antique culture.

Quant au sujet, le poète le trouvera en observant le monde : amour, ivresse de la bonne chère. Surtout pas de vulgaire, de commun, il faut des ornements poétiques, une langue fine et relevée.

En ce qui concerne les épîtres, elles ne sont pas utiles au Français selon du Bellay, sauf peut-être si on en écrit qui ressemblent à une élégie (ce que fait Ovide) ou qui sont graves et riches de sens (ce que fait Horace).

Pas de médisance, et s'il y a critique, qu'elle soit exprimée dans la satire. Surtout pas de noms dans les satires, et usage du vers héroïque, ici le décasyllabe plutôt que l'octosyllabe.

Le mieux semble être pour du Bellay les sonnets, venus d'Italie, dont il est très utile de s'inspirer de Pétrarque.
Que des textes en faveur des rois (à l'instar de Marot dans son églogue sur la naissance du fils de Monseigneur le Dauphin) voient le jour, et que si les tragédies et les comédies sont rétablies par le pouvoir royal, le poète s'y attèle.

Chapitre 5 : Du poème long en Français.

Du Bellay parle ici du roman. Il recommande au poète de s'essayer à ce genre d'histoires que l'on trouve déjà dans Tristan et Yseulte, ou dans Lancelot. Bref, de se lancer dans une nouvelle Iliade, quelque chose de grandiose et de long, qui pourrait prendre toute une vie. Cela ne doit pas rebuter les jeunes auteurs : certes c'est difficile, mais quand on vise haut, on n'arrive pas forcément au point voulu, mais en tout cas, plus haut que si on n'avait rien visé du tout. C'est déjà ça. Et puis si on n'espère pas on n'arrive à rien. Il faut se lancer sans se soucier de ce que penseront les bien pensants.
« La gloire est la seule échelle par les barreaux de laquelle les mortels montent au ciel d'un pied léger et se font compagnons des dieux ».

Chapitre 6 : De l'invention des mots et de quelques autres choses que doit observer le poète français.

Il ne faut pas avoir peur de créer des mots, d'en emprunter au langage des autres, de l'adapter à la langue.
« il est nécessaire d'imposer des mots nouveaux pour les choses nouvelles »
Surtout que le poète se garde bien d'employer des prénoms grecs et latins sans les franciser. Ce serait vraiment « aussi absurde que si tu appliquais une pièce de velours vert à une robe de velours rouge ». Certes certains prénoms ne peuvent être convertis : Mars, Vénus, Jupiter... Mais là ce sera la prononciation qui changera.

Autre conseil : lire de vieux écrits français et réutiliser des termes anciens, quasi-disparus au XVI° siècle. Il ne faut pas trop utiliser de termes totalement inusités, mais un ou deux dans un poème sembleront comme des pierres précieuses.

Chapitre 7 : De la rime et des vers sans rime.

Du Bellay veut des rimes riches (deux syllabes homophones au moins). C'est très important, ça remplace la quantité du Grec et du Latin, tout comme la quantité de nos syllabes par vers. Mais attention, la rime ne doit pas être forcée, elle doit être naturelle. Pas de « mélodieusement/miséricordieusement » etc., c'est trop facile et ce n'est pas vraiment beau. Si le poète désire faire de telles rimes, qu'il n'en fasse pas du tout, c'est déjà mieux : Pétrarque parfois se l'est permis. Mais les vers devront en être d'autant plus remarquables pour compenser le défaut de la rime.

Quant aux rimes qui doivent être sonores et graphiques, Du Bellay pense que ce n'est pas obligatoire d'appliquer la règle de la rime graphique (connaître/prêtre est accepté par ex) parce que l'orthographe française est « dépravée par les juristes ». Pour plus de détails, Du Bellay nous renvoie à Louis Mégret, qui a développé cette partie-là.

Dernière chose : la rime de syllabes longues et brèves est à bannir : pas de passe/trace, maître/mettre etc.

Chapitre 8 : De ce mot, rime, de l'invention des vers rimés, et de quelques autres antiquités usitées en notre langue.

Si l'on en croit Jean le Maire de Belges, diligent chercheur de l'Antiquité, c'est Bardus V, roi des Gaules, qui fut l'inventeur des rimes et fonda une secte de bardes, lesquels chantaient leurs rimes en s'accompagnant d'instruments. Ils étaient si aimés des Gaulois, d'après Diodore de Sicile, que si lors d'une bataille ils se mettaient entre les deux camps, on renonçait à se battre.
Du Bellay en vient à parler de l'anagramme, pratique née déjà chez les Grecs et qui s'est retrouvée très tôt chez les Gaulois. Ex : François de Valois >>> de façon suis royal ; Henri de Valois : Roi es de nul haï.
Autre jeu de mots né chez les Grecs et retrouvé chez les Gaulois : l'acrostiche (poèmes dont les initiales de chaque vers forment à la verticale généralement le nom de l'auteur etc.)

A noter : les pièces de Plaute comportaient des acrostiches qui révélaient le titre du l'oeuvre dans une sorte de paratexte.

Chapitre 9 : Observation de quelques manière de parler françaises.

Du Bellay souhaite que le poète s'attache à rapprocher le plus possible les élocutions et la manière de parler des antiques avec le naturel français.
Pour cela, il faut utiliser, par exemple:

- beaucoup d'infinitifs employés comme noms : l'aller, le chanter, le vivre, le mourir ;
- il faut aussi utiliser l'adjectif substantivé : le frais des ombres, le vide de l'air etc. Par contre, pas de « froid de la glace », « chaud du feu ».
- Il recommande aussi d'utiliser des verbes ou des participes qui par principe, par nature, ne sont pas suivis d'infinitifs, et précisément les utiliser dans ce cas-là : « tremblant de mourir » (« craignant de mourir »), « volant d'y aller » (« se hâtant d'y aller »).
- Utiliser aussi des noms pour les adverbes : « ils volent léger » au lieu de « légèrement ».
- D'autres procédés, utilisés dans de nombreux poèmes, que du Bellay demande de lire.
- Utiliser l'antonomase, très fréquente chez les antiques mais inconnue chez les Français : « le père foudroyant » pour Zeus, « la vierge chasseresse » pour Diane, le « dieu deux fois né » pour Bacchus.
- Quant aux épithètes, souvent mal utilisés, Du Bellay veut que le poète s'en serve seulement quand c'est indispensable pour relever, appuyer ce qu'il a à dire. Ex : la flamme dévorante, les soucis mordants... Par-contre attention à ne pas se tromper d'épithète : « l'eau ondoyante » au lieu de « l'eau impétueuse », « la flamme dévorante » au lieu de « la flamme languissante »...
- Attention à ne pas omettre les articles.
- Attention aux redondances dans les vers etc.

Chapitre 10 : De bien prononcer les vers.

La prononciation, c'est le principal de l'orateur. « La poésie en effet, come l'a dit Cicéron, a été inventée grâce à la sagesse de l'observation et le sens de la mesure que possède l'ouïe »
Il ne faut pas lire de manière efféminée, il faut adopter le bon ton etc.



Chapitre 11 : De quelques observations autour de l'art, avec une invective contre les mauvais poètes français.

En ce qui concerne le temps et le lieu pour méditer sur le sujet possible en poésie, il n'y a pas de règle. « Les uns aiment les fraîches ombres de la forêt, les clairs ruisselets murmurant avec douceur parmi les prés ornés et tapissés de verdure. Les autres se délectent du secret des chambres et des cabinets d'étude. Il faut s'accomoder à la saison et au lieu »

Du Bellay conseille surtout de rechercher la solitude et le silence, et de n'écrire que lorsqu'on est dans une sorte de fureur créatrice, c'est à dire ici un moment d'inspiration doublé de travail. Il ne faut surtout pas oublier la correction de l'oeuvre une fois écrite. Pour cela il est nécessaire de metre de côtés les oeuvres écrites pour pouvoir les analyser plus tard. Il est pratique d'avoir un ami savant et fidèle qui puisse corriger, donner son avis.

Un autre conseil est de fréquenter non seulement des personnes cultivées, mais aussi des artisans, des ouvriers etc., pour en apprendre sur leur savoir-faire. C'est pratique pour inventer de nouvelles comparaisons/métaphores.

Puis du Bellay se lance dans une violente apostrophe aux mauvais poète, ces « rimeurs » comme on les appelle, dont il se moque et envoie proprement paître. Il est vraiment en rage contre eux, parce qu'ils font la réputation de la langue et elle n'est pas brillante avec eux.

Chapitre 12 : Exhortation aux Français d'écrire en leur langue, avec éloge de la France.

Eloge des Grecs et des Romains.
La France est-elle inférieure à ces deux peuples ? Du Bellay refuse de répondre, car sinon ce serait être aussi vaniteux que les Grecs et les Romains, vanité qu'il dénonçait au début de son traité.

Eloge des paysages et climats de la France, qu'il élève plus haut que l'Italie du point de vue de ses dons naturels. Eloge des métiers d'arts qui l'habitent, des sciences, tout aussi nombreux que ceux des pays grecs ; certes pas de métaux précieux en terre de France, mais pas de bêtes sauvages et dangereuses non-plus, comme le lion ou autre félidé. ; ou encore pas d'herbes vénéneuses.
Quant aux vertus qui faisaient les valeurs des antiques, du Bellay place la France en première place : piété, religion, intégrité des moeurs, magnanimité de courage...
« Pourquoi sommes-nous tant injustes avec nous-mêmes ? »
« ne pas rapporter du bois dans la forêt » >>> ne pas écrire un pauvre truc qui se noierait dans le grand œuvre des antiques. Ecrire dans notre propre langue, c'est mieux.

Donc, il n'y a pas de honte à écrire en Français, si on aime la France, on se donne tout entier à se langue.

Conclusion de toute l'œuvre
:

Encouragements solennels aux poètes etc.
Charlotte
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